Les impuretés de l'intelligence
" Toutes les idées éducatives du yoga est de faire en sorte que les choses se passent bien dans notre vie. Mais nous savons tous qu'une pomme dont l'apparence extérieure est parfaite, peut avoir été rongée à l'intérieur par un ver que l'on ne peut pas voir. Le yoga ne concerne pas les apparences.
Il s'intéresse à trouver et à éradiquer le ver, afin que la pomme tout entière, de la peau jusqu’au cœur, soit saine et parfaite. C’est pourquoi le yoga –et en fait toutes les philosophies spirituelles– semble toujours revenir sur les aspects négatifs : désir, attachement, faiblesses, défauts et déséquilibres.
Cette philosophie tente d’attraper le ver avant qu’il n’abîme et ne dévore toute la pomme de l’intérieur. Ce n’est pas un combat entre le bien et le mal. Il est naturel pour les vers de manger des pommes. Dans le yoga, nous ne voulons simplement pas être une pomme gâtée de l’intérieur. C’est la raison pour laquelle le yoga, avec insistance, examine scientifiquement et sans jugement de valeur ce qui peut mal tourner, et pourquoi, et comment arrêter cela. C’est l’agriculture biologique du soi –pour le Soi.
C’est un accomplissement considérable que de parvenir à atteindre et à pénétrer jusqu’à la quatrième enveloppe, mais je rendrais un mauvais service au lecteur si je n’attirai pas son attention sur le fait que les accomplissements amènent également, dans leur sillage, des dangers considérables. L’un deux, évident, est l’orgueil–non pas la satisfaction d’un travail bien fait, mais un sentiment de supériorité et de différence, de distinction et d’élévation.
Dans notre société moderne, se focaliser sur les apparences, sur la présentation et sur l’emballage est une obsession. Nous ne nous demandons pas : « comment suis-je réellement ? », Mais : « De quoi ai-je l’air, comment les autres me voient-t-ils ? » Nous ne nous interrogeons pas sur : « en train de dire ? », Mais sur : « Que pensent les gens en m’entendant ? » Il y a ceux qui exécutent un Yogasana élégant, bien présenté, très séduisant. Ils sont satisfaits de leurs performances, et d’eux- mêmes, et sont peut-être financièrement fort bien récompensés de cette excellence extérieure.
Quand j’étais jeune et que je me débattais pour gagner ma vie, pour faire monter le yoga dans l’estime des gens, pour démontrer dans mon corps visible, l’art et la beauté esthétique du yoga, je cherchais toujours à présenter asana de la meilleure façon possible, symétriquement, précisément, et des enchaînements stimulants et cohérents.
Lorsque les circonstances l’exigeaient, j’étais un exécutant, un artiste. J’étais au service de l’art du yoga. Mais je n’avais pas ce genre d’idées dans ma pratique personnelle. Je ne me souciais que d’explorer, d’apprendre, de me défier et de me transformer intérieurement. Par-dessus tout, je voulais découvrir. Le yoga est une pénétration, une découverte intérieure qui mène à l’intégration de l’être, des sens, de la respiration, de l’esprit, de l’intelligence, de la conscience et du Soi.
C’est vraiment un voyage intérieur, une évolution à travers une involution, en direction de l’Âme, laquelle désire à son tour émerger et nous étreindre dans sa gloire.
Il vous faut, comme guide, un bon enseignant, afin de ne pas blesser le corps, de ne pas étirer outre mesure, déchirer ou compresser les fibres intérieures, tendons, également, l’esprit et les émotions. C’est la pratique de yoga inadéquate ou erronée. Je le sais : j’ai fait cette erreur. Mais lorsque le yoga n’est orienté que vers l’extérieur, qu’il n’est que démonstration et satisfaction personnelle, ce n’est pas du yoga du tout. Une telle attitude dégradera et déformera même le caractère avec lequel vous avez démarré.
Quand pendant un cours, vous regardez les autres élèves autour de vous et que l’orgueil se lève, ou l’insécurité, sa contrepartie, reconnaissez ces perturbations pour ce qu’elles sont et renvoyez-les. Il est certain que dans la vie, il y a beaucoup de plaisir et de satisfaction à glaner.
Patanjali a dit que l’accomplissement correct du plaisir est un élément essentiel de la vie, mais aussi de la libération. Mais Patanjali nous a aussi prévenu qu’une mauvaise interaction avec la nature ( où les afflictions, ou Klesa, nous gouvernent encore) peut entraîner notre confusion et notre autodestruction.
La poursuite du plaisir dans les apparences – que je relis ici à une intention superficielle–correspond tout simplement une mauvaise façon d’aborder les choses. Rechercher le plaisir revient à rechercher la douleur dans une mesure égale.
Lorsque l’apparence a plus d’importance à nos yeux que le contenu, nous pouvons être certain d’avoir pris la mauvaise piste. "
La voix de la paix vers la Lumière . P234 , B.K.S.Iyengar
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