UNE TRANSFORMATION PROFONDE

" Nous le comprenons, les récits insistent sur la nécessité d’une véritable transformation intime de la personne afin de parvenir à la condition de transitaire.

En faisant du chamanisme « une des techniques archaïques de l’extase », Mircea Eliade a suscité de nombreuses critiques chez les anthropologues.

Ceci contestent en particulier les références à « la grande mystique » qu’implique l’emploi du terme d’extase. Rien ne nous permet effectivement d’établir une analogie entre le voyage cosmique du chaman en quête d’une âme dérobée et l’expérience mystique de Saint-Thérèse D’Avila ou l’illumination d’un maître Bouddhiste. La finalité est totalement différente. Pour que le point de vue de l’historien des religions soit recevable il faudrait s’en tenir strictement au sens étymologique du mot extase, à savoir « être transporté hors de soi ».

Dans cette perspective le chamanisme et la maîtrise de l’extase son ontologiquement liés. Au regard des connotations très particulières du terme extatique, je pense préférable de privilégier ici aussi celui de transiteur. Ce dernier voit son corps réellement modifié au terme de l’initiation. P69

(…) La méditation des moines relève-t-elle d'un jeu de rôle ?

Pour convaincre l'Occident des réalités physiologiques et psychologiques des concepts bouddhiques de « vide », de « pleine conscience », le Dalaï-Lama en personne à favoriser des travaux pointus en neurosciences sur la méditation.

Les plus prestigieux centre de recherche nord-américains, dont le MIT de Boston ou la Johns Hopkins University de Baltimore, participe depuis 2000 à ce programme élaboré par le Mind and Life Institute. Les résultats semblent suffisamment prometteurs aussi bien dans le domaine des recherches sur la plasticité cérébrale que dans celui des mécanismes auto-immunitaires pour que le Dalaï-Lama ait été invité à s’exprimer en ouverture du congrès annuel de la Society of Neuroscience à Washington en 2005 et qu’un programme régulier de publications scientifiques voit le jour.

Les chamans ne disposent ni du prestige ni du réseau du Dalaï-Lama !

Cela ne doit pas nous conduire à figer notre compréhension du phénomène dans un temps de la science occidentale… qui est déjà dépassée tant l’évolution des recherches est rapide ces 30 dernières années. Si bien sûr la question de la logique symbolique demeure au cœur des préoccupations de l’anthropologie, cette dernière doit aussi se montrer attentive aux avancées récentes sur les facultés du            « cogito corporel ».

Les concepts classiques de la phénoménologie telle « la conscience perceptive » et le « corps sentant » trouve désormais un écho dans les neurosciences. Je pense ici aux travaux sur la disponibilité de l’organisation neurologique à dialoguer avec le milieu environnant, ou à ceux développés par Alain Berthoz du Collège de France sur la physiologie de la perception et de l’action. Notre rapport au monde ne dépend pas que de nos cinq sens traditionnels, le potentiel cognitif de l’homme comprend aussi  « les capteurs vestibulaires, les propriocepteurs des muscles, des articulations  (…) l’écholocation, le sens magnétique, etc » ( Berthoz- Le sens du mouvement) . Or toutes ces fonctions d’intéraction peuvent être travaillées et développées comme en attestent les études faite sur la vision faciale des aveugles ou sur l’apprentissage à des malvoyants des techniques du « toucher interne » dans le cadre d’arts martiaux asiatiques. (Grave J.M. – « Quand ressentir c’est toucher. Techniques Javanaises d’apprentissage sensoriel »

Le champ ouvert par la science occidentale sur les capacités cognitives du corps humain, sur le rôle des émotions dans les processus cérébraux conscients ou inconscients, ou encore sur les extensions possibles de la conscience est d’une grande richesse. Mais pour l’heure nous sommes encore frappé de cécité en ce qui concerne les extraordinaires interactions existant entre les humains et le vent, le tonnerre, les plantes, la pluie…"  P75

« Soigner les âmes » Édouard Collot & Bertrand Hell